Après vous avoir exposé les tenants et aboutissants d'une anche double dans un précédent billet, il est aujourd'hui temps de vous présenter chaque membre de la famille du hautbois, du plus aigu au plus grave.
Hautbois :
Instrument de référence de la famille, il est en ut (do). En orchestre, le 1er hautbois a la lourde responsabilité de donner le LA aux autres musiciens afin que chacun puisse s'accorder. Si certaines mauvaises langues disent que c'est parce qu'il est préférable de s'accorder sur l'instrument le plus faux, moi j'affirme que c'est parce que tout le monde se tait et s'incline devant un instrument d'une telle majesté. Côté répertoire, il a de quoi s'exprimer dans de très nombreux concertos et cantates baroques, de Bach et Telemann notamment. Même si le siècle romantique n'est pas celui où il s'exprime le plus, Schubert lui a écrit une petite chose très sympathique dans sa symphonie n°8 inachevée. Côté français, le 2ème mouvement de la 1ère symphonie de Bizet ou encore le Tombeau de Couperin de Ravel pour n'en citer que deux.
Forêt de hautbois en concert
Hautbois d'amour :
Communément appelé "love biniou" dans certaines contrées bretonnes et grande-bretonnes très reculées, il est en la et sonne donc une tierce en dessous du hautbois. C'est l'alto de la famille. Son pavillon en forme de poire lui confère un son plus rond et moelleux que le hautbois. On l'entend rarement ce qui est vraiment dommage mais surtout, on ne sait pas toujours que c'est lui. Par exemple, dans le célébrissime Boléro de Ravel, ce n'est pas le hautbois qui joue le thème mais le hautbois d'amour.
Trio de hautbois d'amour
Extrait du concerto pour Hautbois d'amour en La Majeur BWV 1055 - JS Bach
Cor anglais :
Bien que son nom pourrait l'indiquer, il ne vient pas d'outre-manche mais de la forme que lui confère son bocal (forme un angle d'où "anglé" déformé en "anglais"), sorte de petit tuyau entre l'instrument et l'anche, permettant d'agrandir sa longueur sans avoir à mettre des rallonges aux bras des instrumentistes. Ténor de la famille, il est en fa et sonne donc une quinte en dessous du hautbois. On l'entend parfois à l'orchestre dans des solos à faire vibrer une bonne demi-douzaine d'anches non grattées tellement que c'est beau, mélodieux voire sensuel. Si ça ne vous dit rien ou pas grand chose, alors replongez vos oreilles dans l'ouverture de Guillaume Tell de Rossini, La Symphonie du Nouveau Monde de Dvorak ou encore la Scène aux Champs de la Symphonie Fantastique de Berlioz et vous vous sentirez sans aucun doute rempli d'un incontrôlable trop plein d'émotion. Ah, le son du cor anglais le soir au fond des bois…
Deux cors anglais d'un coup
Hautbois baryton :
Long comme 2 hautbois mis bout à bout, il est en do et sonne à l'octave exacte de ce dernier. En termes de tessiture, il fait lien entre la famille des hautbois et celle des bassons. Extrêmement rare, surtout à l'orchestre, on le trouve essentiellement dans les bandes de hautbois. On peut l'entendre toutefois dans plusieurs mouvements des Planètes de Holst, notamment Saturne. Un compositeur audacieux, Alexandre Ouzounoff, l'a même projeté sur le devant de la scène dans un dixtuor pour anches doubles où il joue carrément le rôle de soliste.
Mélodie de Sébastien Grégoire jouée par le compositeur au hautbois baryton
Le hautbois a de nombreux aïeux (chalémie, hautbois baroque, cromorne…) et cousins (heckelphone, bombarde, hautbois musette…). Si vous souhaitez les découvrir, RDV sur le net ou, encore mieux, dans des musées comme La Cité de la Musique à Paris ou le très recommandable Musée des Instruments à Vent de La Couture Boussey dans l'Eure.